Mommy

Xavier Dolan

En 2014, Xavier Dolan réalise Mommy qui lui octroiera le Prix du Jury à Cannes. Ce drame canadien suit la relation conflictuelle entre une mère et son fils ainsi que l’aide inattendue d’une voisine.

Bonne lecture ! (Attention spoilers)

TROIS PERSONNAGES AUX PERSONNALITÉS PROPRES

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Mommy est un film porté par trois personnages principaux que l’on suit tout au long du film. Ces trois personnages, bien que liés, sont tous très différents les uns des autres et sont singuliers.

Anne Dorval

Anne Dorval incarne le premier personnage que l’on découvre. Il s’agit de Diane Després. Diane Després est une femme un peu perdue. Sans emploi, elle vit de petites activités qu’elle exerce au gré de sa motivation. Veuve et mère d’un enfant, Diane exprime son identité par son excentricité tant vestimentaire que comportementale. Effectivement, elle est souvent vêtue de talons hauts ou de tenues peu adaptées quand elle se rend dans des lieux tels que le supermarché ou à l’aide sociale. Quant à son comportement, elle agit parfois comme une enfant. Têtue, elle ne se laisse pas faire, quitte à compromettre des occasions de mener une vie meilleure. Elle tient fermement à sa dignité.

Antoine Olivier Pilon

Diane a un fils, Steve. Ce deuxième personnage est incarné par Antoine Olivier Pilon. Steve est un jeune homme à problèmes. Perturbé par la mort de son père, il a été envoyé dans un hôpital afin de calmer son tempérament impulsif. Violent, manipulateur mais également généreux et attachant, Steve est un enfant particulier qui ne laisse pas de repos à ses proches. Mommy commence au moment où Diane récupère la garde de Steve. Elle comprend très vite qu’il n’est pas soigné et que son comportement d’antan n’a pas disparu. La petite famille va devoir concilier entre moments d’accalmie et moments de tension.

Suzanne Clément

Afin de les aider, Kyla intervient dans la famille. Cette voisine est incarnée par Suzanne Clément. Foncièrement discrète et réservée, elle sort occasionnellement de sa timidité en s’affirmant face aux débordements de Diane ou de Steve. Kyla se révèle être un pilier de l’équilibre fragile de la relation de la famille Després et lui permet d’entrevoir un espoir, malgré les difficultés.

UNE INTERVENTION EXTÉRIEURE POUR RÉPARER L’INTÉRIEUR

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Derrière cette formulation, peut-être légèrement vague, se cache l’essence même de l’oeuvre de Dolan. Cette essence, c’est celle de l’étude des relations humaines. Le cinéaste québécois a réalisé Mommy en se penchant sur l’évolution des relations entre une mère et son fils. Bien que le film se concentre sur une période de temps de quelques semaines, on peut extrapoler son message et le transposer à une vie entière, tellement le nombre de situations que les Després traversent est important et varié.

Très vite, on comprend que cette intervention extérieure que nous évoquons est celle de Kyla. Mais il y en a d’autres, et nous reviendrons sur le cas de Kyla par la suite, étant donné qu’il est le plus essentiel.

La première intervention est évidemment celle de l’hôpital dans lequel Steve est envoyé. Cet établissement a pour but de remettre Steve dans le droit chemin en calmant sa colère et en apaisant ses relations avec sa mère. Il ressort au bout de quelques temps, sa mère étant prête à en assumer à nouveau la garde. En outre, Mommy se termine avec le renvoi de Steve vers cet hôpital, preuve que malgré toute l’envie de Diane, Steve et Kyla, on ne peut parfois pas surmonter les épreuves que la vie réserve.

La deuxième intervention concerne celle de Paul, un homme dont s’éprend Diane. Il représente la figure paternelle qui a manqué à Steve, absence qui a déclenché son caractère impulsif et violent. Diane a espoir de calmer Steve en apportant un élément d’équilibre. En vain, puisque Steve se révèlera trop protecteur quant à sa mère et entrera en conflit avec Paul.

Et enfin, l’intervention la plus explicitée concerne celle de Kyla. De prime abord, rien ne prédestiné cette femme réservée et discrète à intervenir dans la vie de Diane et Steve, mais c’est lors d’un conflit entre les deux qu’elle se fait connaître, alors qu’elle soigne le jeune homme blessé. Elle ne quittera alors plus l’entourage des Després, presque à en devenir un membre. Elle va combler le vide laissé tantôt par Diane, emportée par ses excès, tantôt par Steve, emporté par sa colère. Le fait qu’elle ait réussi à s’imposer au sein de cette famille à problèmes s’explique par sa nature désintéressée. En tant que professeure, elle choisit de donner de son temps afin de sublimer les personnes qui l’entourent. Sa personnalité lui a donné une profession, et sa profession lui a confirmé son altruisme. Kyla est l’élément qui va concilier, avec plus ou moins de succès, Steve et Diane.

LA PUISSANCE DE LA RÉALISATION

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Il ne fait aucun doute que Mommy est un film marquant et qui témoigne du talent de Xavier Dolan. Pour exprimer son talent, le cinéaste a sublimé ses acteurs et sa mise en scène par le travail sur la forme du film.

Ainsi, le travail le plus poussé concerne le forme de l’image. En effet, la majorité du film est sous le format 1:1. Ce choix ne doit pas s’apparenter à un caprice artistique mais à une volonté de faire un film complet. Dolan a pour volonté de lier le fond et la forme. Le choix du format 1:1 s’explique par le fait qu’il représente le blocage de la famille à accéder à la quiétude et à la tranquillité. Diane et Steve se bloquent mutuellement l’accès à ces valeurs. Toutefois, le format évolue pendant le film. Il s’étire afin d’atteindre un format standard. Ce n’est évidemment toujours pas un caprice mais cette évolution a un véritable but, dans la continuité du choix du format 1:1. L’allongement du format correspond aux rares moments pendant lesquels la famille Després a atteint la sérénité. Le format s’étire, comme si la famille était libérée de ses maux. Ils ne sont plus pris par l’étreinte de leurs conflits. Steve trouve un sens à sa vie et Diane peut enfin se projeter dans la sienne. Quant à Kyla, elle se sent utile et mise en avant.

Ce format limite également les plans larges ce qui accentue l'aspect intimiste voulu par Dolan. Il plonge le spectateur au coeur de la famille Després, sans se soucier de l'extérieur. Il se concentre sur le coeur du problème et ne laisse pas parasiter son travail par les éléments extrinsèques à Diane, Steve et Kyla.

Si le travail sur le format est autant poussé, c’est afin de sublimer la performance des acteurs et actrices qui délivrent des interprétations riches et émotionnellement sincères. En effet, Anne Dorval, Antoine Olivier Pilon et Suzanne Clément parviennent à se démarquer les uns des autres sans pour autant se marcher dessus. Ils trouvent leur place chacun leur tour, sans monopoliser la caméra.

Mommy est un film complet dont tant la forme que le fond sont minutieusement travaillés et harmonieux. Mommy est donc un film qui démontre l’immense talent de Xavier Dolan.