Drive My Car
- cinebafilms
- 24 juin 2022
- 4 min de lecture


Drive My Car est un film japonais réalisé par Ryūsuke Hamaguchi, sorti en 2021. Récompensé par le prix du scénario au Festival de Cannes 2021 et par l’Oscar du meilleur film étranger en 2022, Drive My Car est un film qui suit un acteur et metteur en scène de théâtre dans son parcours de deuil.
Bonne lecture ! (Attention spoilers)
LA SOLENNITÉ DES THÈMES ABORDÉS
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Drive My Car est un film qui n’est pas à mettre devant le regard de tout le monde tant les thèmes abordés sont pesants. La mort, la maladie et la solitude imprègnent le film et les personnages.

Le personnage principal est interprété par Hidetoshi Nishijima. Il campe Yūsuke Kafuku, un acteur et metteur en scène de théâtre ayant une certaine reconnaissance dans le milieu du théâtre. Il est marié à Oto, son épouse, qui est scénariste. Ils ont eu une petite fille qui est décédée subitement à l’âge de 4 ans. Le couple a su résister à cette épreuve, bien qu’elle soit très dure. Professionnellement, ils collaborent à la création et à la mise en scène des pièces de théâtre dans lesquelles Yūsuke joue. Alors qu’il accepte de participer à une nouvelle pièce dont la préparation doit se faire à Hiroshima, à l’autre bout de l’archipel, il découvre qu’elle le trompe. Plus tard, Oto décèdera à son tour subitement. Yūsuke plonge alors dans une détresse personnelle importante. Auparavant, il avait été diagnostiqué atteint d’une maladie à l’oeil incurable. Voici les deux thèmes avec lequel le film commence : la maladie et la mort.

Le reste du film est plus largement consacré au deuil. Et pour cela, Yūsuke va être accompagné d’une jeune femme dont la vie n’a également pas été épargnée de sa dureté et de sa cruauté. Cette jeune femme, Misaki Watari, est interprétée par Tōko Miura. Elle est originaire de Hokkaido, la grande île située au Nord de l’archipel nippon. Élevée dans un milieu très modeste et violent, elle n’a pas connue son père et a perdu sa mère lors d’un glissement de terrain. Elle a peu à peu migré vers le Sud pour arriver jusqu’à Hiroshima, et devenir la chauffeur de Yūsuke.

La quête du deuil est double. Yūsuke ne parvient pas à se remettre de la mort d’Oto, culpabilise et s’accuse de l’avoir abandonné. Quant à Tōko, son cheminement de pensée est similaire. Elle pense ne pas avoir voulu sauver sa mère sciemment et éprouve des remords. Yūsuke et Tōko vont construire leur relation essentiellement dans la voiture de l’homme. Elle conduit, il répète ses pièces. D’abord réticent, il accepte et entame une relation professionnelle avec elle. Cette relation évolue et devient une relation de confiance et de compréhension mutuelle. Ils découvrent qu’ils ont plus en commun qu’ils ne le pensaient et finissent par s’aider à passer cette étape douloureuse dans leur vie.
UN FILM QUI SAIT PRENDRE SON TEMPS
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Drive My Car est un film véritablement long. Avec une durée s’approchant des 3 heures, le film prend assurément son temps pour développer son histoire et surtout ses personnages. Si le film est long, il n’est pas pour autant lent. Pour remplir son oeuvre, Ryûsuke Hamaguchi a opté pour une réalisation complète. Les scènes prennent les minutes nécessaires pour qu’elles expriment leur force de la meilleure des manières, pour que les personnages s’affirment, pour que le film soit le plus exhaustif possible. Ces longues scènes qui durent jusqu’à plusieurs dizaines de secondes sont minutieusement montées et articulées dans le rythme du film. Les scènes de coupe deviennent des scènes à part entière en devenant des scènes importantes qui permettent de capter les subtilités.

Ryûsuke Hamaguchi a voulu faire un film qui prend son temps à mettre le scénario en place, à faire durer des scènes qui permettent de saisir la personnalité entière des personnages. Il n’est pas rentré dans les codes qui régissent le 7e art afin de proposer une oeuvre unique et captivante. En faisant fi de ces normes, il propose une nouvelle idée du cinéma qui serait celle de revenir à l’essence même du cinéma : raconter une histoire, sans limitations quelconques.

UNE RÉALISATION DE TRÈS HAUT NIVEAU
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Drive My Car est un excellent film dans la mesure où aucun aspect n’est négligé. Le duo Hidetoshi Nishijima et Tōko Miura est tout simplement majestueux. Ils débordent d’authenticité et de crédibilité.
Ryūsuke Hamaguchi a su maitriser sa caméra avec patience et dextérité et a proposé un film visuellement et techniquement époustouflant.
Drive My Car est un film évolutif dans la psychologie des personnages mais également dans le travail de prise de vue du réalisateur. Pour illustrer cela, nous nous sommes attardés sur la façon dont les scènes sont filmés dans la voiture. Il est possible de ressortir trois manières dont Hamaguchi a filmé cette sublime Saab 300 rouge.

La première se place à l’arrière de la voiture, et contient dans son cadre la route qui défile et le dos du personnage. Le spectateur est un simple suiveur et témoin de la vie de Yūsuke.
La deuxième se rapproche du personnage, signe que l’on est au coeur de sa vie, qu’on devient une partie de lui qui cherche à reprendre sa vie en main après toutes les épreuves traversées.
Enfin, la troisième sort de la voiture et prend du recul. Là, on s’attarde non plus sur Yūsuke mais sur tout son entourage. On comprend qu’il est parvenu à retrouver une raison de vivre et qu’il n’est plus seul.

Autre aspect important à noter : la justesse de l'écriture et de l'interprétation des personnages. On a la véritable impression que Yūsuke et Misaki pourraient exister. Certes, ils ont un passé lourd, mais ce n'est pas dans l'excès. Les personnages sont crédibles et profonds. On parvient aisément à s'y attacher.
Ainsi, Drive My Car est un film qui peut diviser mais dont la qualité est indéniable. Porté par un acteur et une actrice brillants ainsi qu’une réalisation audacieuse et innovante, Drive My Car est un film qu’il est nécessaire de voir.
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